Lorsqu’un philosophe aborde le sujet du Rire, c’est davantage les ressorts du comique et la réflexion qui mène à provoquer un rire qu’il étudie et analyse. Seulement, le Rire est-il vraiment la conséquence d’une réaction à un certain type de comique, induite par le niveau intellectuel du rieur ? Si oui, est-ce pour cela qu’on le qualifie souvent de "propre à l’Homme" ?
Pour parler d’intelligence, on pense tout de suite au cerveau. L’évolution a fait que l’Homme, de par des facteurs environnementaux et un mode de vie changeants, a vu son espèce se modifier physiquement au cours du temps.
L’une de ces nombreuses modifications concerne justement le cerveau qui, en influençant la forme et la taille du crâne, s’est vu augmenter de volume, pour passer d’un minium de 380 cm³ chez l’australopithèque (2 à 3 millions d’années avant notre ère) à un maximum atteint par notre genre d’hominidé, soit l’homo sapiens (dont l’apparition est datée de 40 000 ans), avec 1350 cm³ en moyenne.
L’une de ces nombreuses modifications concerne justement le cerveau qui, en influençant la forme et la taille du crâne, s’est vu augmenter de volume, pour passer d’un minium de 380 cm³ chez l’australopithèque (2 à 3 millions d’années avant notre ère) à un maximum atteint par notre genre d’hominidé, soit l’homo sapiens (dont l’apparition est datée de 40 000 ans), avec 1350 cm³ en moyenne.
Cette augmentation du volume cérébral est aussi bien une résultante qu’un facteur de la capacité des hominidés à réfléchir. Leur intelligence dépendrait donc en partie de cette évolution.
Or, selon bon nombre de philosophes de toutes époques, le Rire est indissociable de l’intelligence humaine.
Or, selon bon nombre de philosophes de toutes époques, le Rire est indissociable de l’intelligence humaine.
Thomas Hobbes soutient une théorie similaire, tout comme Alexander Bain qui emploie d’ailleurs le terme de "dégradation risible" qui s’exercerait sur "une personne ou [un] intérêt ayant de la dignité". La moquerie est un processus de jugement d’un individu ; c’est le résultat d’une certaine capacité à interpréter des situations et à réfléchir. On peut donc conclure que ces philosophes associent bien le Rire à l’Humain et à sa capacité à réfléchir. |
Ainsi, durant l’Antiquité, les Grecs Aristote et Platon et les Latins Cicéron et Quintilien parlent du Rire comme de l’expression de la dégradation de l’objet risible par la moquerie. Se dégagerait alors un certain sentiment de supériorité teinté de sadisme de la part de la personne qui rit.
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Mais d’autres encore assimilent le Rire à la réaction qu’a un individu face à une situation paradoxale ou à un événement incongru.
Ainsi, l’allemand Emmanuel Kant écrit dans sa Critique de la faculté de juger (1986) qu’"il y [a] quelque chose d’absurde en tout ce qui doit provoquer un rire vivant et éclatant". Portrait d'Arthur Schopenhauer
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Portrait d'Emmanuel Kant
Quant à Arthur Schopenhauer, qui qualifie sa propre interprétation de "vraie théorie du rire" dans Le Monde comme volonté et représentation (1942), le Rire est provoqué "lorsque l’on découvre tout à coup une discordance frappante entre un objet réel unique et [son concept de base]". |
Portrait d'Herbert Spencer
Portrait d'Henri Bergson
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Enfin, la "théorie de la décharge" émise par Herbert Spencer (Essais, vol. II : Physiologie du rire, 1891) est plus hypothétique, puisqu’elle donne au Rire un rôle de "débordement énergétique", toujours lié à la perception d’un élément qui bascule du rationnel vers l’incompréhensible. Selon Kant, Schopenhauer et Spencer, le Rire découlerait alors de la capacité de l’individu à percevoir l’absurdité d’un événement ou d’un concept ; le comique de situation serait donc une cause omniprésente du Rire. Par ailleurs, Henri Bergson écrivait en 1900 que "[le comique] s'adresse à une intelligence pure" (Le rire, essai sur la signification du comique). |
Par conséquent, ces nombreux philosophes confèrent bien au déclenchement du Rire un aspect intellectuel lié à la compréhension du comique en action.
Mais quelle est la place de l’animal dans ces théories ?
Au Moyen Âge, l’un des deux topos circulant sur le Rire est celui de l’homo risibilis, ou "homme doté du Rire", "homme dont la caractéristique fondamentale est le Rire". C’est ce que nous dit Jacques Le Goff, historien médiéviste, dans son article "Rire au Moyen Âge" (Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, 1989), dans lequel il énonce également qu’à l’époque, certains pensaient que "l’homme riant se trouvera mieux exprimer sa nature".
En attribuant cette "nature" rieuse à l’Homme, on exclue donc ici l’animal des individus rieurs et, par la même occasion, on sort l'Homme de sa nature animale.
En 1764, Voltaire écarte encore plus les animaux d’une possible capacité à rire avec sa définition du Rire (tirée de son Dictionnaire philosophique portatif), puisque, bien qu’il admette qu’ils possèdent des muscles facials similaires aux nôtres, il affirme que ceux-ci ne ressentent aucune émotion ("ils ne rient point de joie, comme ils ne répandent point de pleurs de tristesse") et que "l’homme est le seul animal qui pleure et qui rie". On trouve cependant un certain progrès dans cette théorie avec une appellation moderne de l'Homme, qui est ici simplement caractérisé comme un "animal" possédant une capacité à rire que les autres n’ont pas. |
Portrait de Voltaire
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Pour la plupart des "grands philosophes", le Rire ne trouve sa source que dans le comique, qui demande une certaine réflexion (que l'on va facilement lier au niveau intellectuel de l'individu). Seulement, d'autres stimuli existent et on a déjà prouvé que les primates pouvaient procéder à certains types de réflexion.
Pour la plupart des "grands philosophes", le Rire ne trouve sa source que dans le comique, qui demande une certaine réflexion (que l'on va facilement lier au niveau intellectuel de l'individu). Seulement, d'autres stimuli existent et on a déjà prouvé que les primates pouvaient procéder à certains types de réflexion.